À quelques mois des municipales de 2026 et à un peu plus d’un an de la présidentielle, le 6e baromètre annuel de l’éducation d’Apprentis d’Auteuil, réalisé par OpinionWay, révèle un constat préoccupant : les jeunes expriment un sentiment massif d’exclusion du débat public et une défiance envers les décideurs.
66 % des jeunes ont le sentiment d’être considérés comme des citoyens de seconde zone… Voici l’un des résultats marquants et préoccupants du 6e Baromètre de l’éducation d’Apprentis d’Auteuil, réalisé par OpinionWay et rendu public aujourd’hui.
À l’origine de ce sondage, intitulé, « Les jeunes, des citoyens sans voix ? », une consultation qu’Apprentis d’Auteuil organise auprès des jeunes pour coconstruire son plaidoyer dans la perspective des grandes échéances électorales des municipales de 2026 et la présidentielle de 2027.
Menée auprès de 200 jeunes, 50 familles et 27 établissements et dispositifs, cette consultation met en œuvre la dynamique du « Penser et agir ensemble » d’Apprentis d’Auteuil qui vise à valoriser la parole des jeunes et des familles. « Les jeunes ont évoqué la protection de l’enfance, les violences, la précarité, le logement, l’insertion, le rapport aux institutions… », souligne Evan Ouinez, responsable de la consultation auprès des jeunes. « Après la consultation, le thème de notre baromètre de l’éducation 2025 s’est imposé : il devait être consacré à la participation de la jeunesse aux décisions qui la concernent, puisque les jeunes nous ont confié leur sentiment d’être insuffisamment écoutés et représentés. »
Une jeunesse qui se sent ignorée
Le sondage OpinionWay/Apprentis d’Auteuil révèle des résultats extrêmement préoccupants, car ils expriment la rupture entre la jeunesse et le monde politique. 84 % des jeunes ont ainsi le sentiment que les décideurs et les responsables politiques ne les écoutent pas suffisamment ; 76 % pensent ne pas être assez représentés par les responsables politiques ; 83 %, que ces responsables sont déconnectés de leurs réalités et ne les comprennent pas. « Les jeunes expriment une rupture, une perte de confiance, voire même une défiance vis-à-vis des politiques, analyse Evan Ouinez. Ils nous disent : « Ils ne nous connaissent pas. Peu importe pour qui on vote, ça ne sert à rien. Ils ne nous écoutent pas. » Evan se souvient d’une consultation menée à Marseille où le sentiment était unanime parmi les habitants : « Les femmes et les hommes politiques parlent sans cesse des quartiers, mais nous ne les voyons jamais ici. Sauf au moment des élections, pour obtenir quelques voix. » 79 % des jeunes estiment que lorsque les décideurs parlent d’eux, c’est pour les instrumentaliser, en servant uniquement leurs propres idées politiques.
Certaines catégories de jeunes s’estiment encore plus négligées : les jeunes ruraux, dont 72 % se sentent comme des citoyens de seconde zone (vs. 59% des Franciliens) ; les NEETs (ni en études, ni en emploi, ni en formation), dont 63 % estiment que leur voix est inutile (versus 52% chez les lycéens et étudiants). Pour tous, un même constat : 89 % souhaitent que les adultes cessent de parler à leur place, et 76 % estiment que leur meilleur représentant serait… un jeune !
…mais déterminée à s’engager
Pourtant, l’engagement de la jeunesse est bien réel, qu’il s’agisse d’activités scolaires, associatives ou citoyennes. Près de 80 % souhaitent même s’impliquer plus fortement encore sur les grands enjeux actuels qui les concernent et concernent leur avenir. « Ce chiffre confirme ce que nous avons ressenti lors de notre consultation. Les jeunes sont en défiance vis-à-vis des responsables politiques, mais ils ne se désengagent pas », souligne Evan Ouinez.
Pour autant, comment faire lorsqu’on n’a pas voix au chapitre ? « Les réseaux de solidarité, notamment parmi les familles les plus fragilisées et dans les quartiers, demeurent très puissants », précise-t-il. Lorsqu’ils s’engagent, les jeunes pointent des causes prioritaires : la scolarité, les études, l’insertion professionnelle ou encore la santé. Mais aussi les luttes indispensables : contre les violences (dont les violences sexistes et sexuelles), la précarité et la pauvreté, les inégalités et les discriminations.
Une jeunesse qui mise sur les réseaux sociaux
Autre constat : 54 % se sentent mal informés et ne disposent pas des codes pour y parvenir. Lorsqu’ils accèdent à l’information, 78 % ont le sentiment que les médias les caricaturent. Si l’école demeure le lieu privilégié d’expression et d’apprentissage, elle représente aussi un lieu clos qui ne permet pas aux voix de passer au-delà de ses murs. Pour les jeunes, les réseaux sociaux se sont donc imposés comme un outil majeur d’expression (65 % utilisent des outils numériques pour se faire entendre, dont les réseaux sociaux), parfois jugés aussi puissants que le vote. Mais cet espace est perçu comme conflictuel, traversé par des débats stériles, et rarement pris au sérieux par les décideurs.


